« Bonjour, Mr Ring, c’est bien cela ? » un homme grand à lunette s’avança vers moi pour me tendre la main. Je la pris furtivement en le dévisageant avant de la lâcher et de le regarder d’un air hautain
« Effectivement. Enchanté. » Il dégluti avant d’ajouter
« C’est notre première séance… installez-vous je vous en pris, nous allons commencer. » Il me montra le sofa sur lequel je devais m’asseoir. Je n’aimais pas qu’on me donne des ordres. C’était moi qui devais donner des ordres, personne d’autre. Je lui jetai un regard aussi noir que froid
« Effectivement… et ce sera notre dernière. Votre dernière. » je m’avançai vers lui et leva la main, mettant mon majeur sous sa gorge, griffe sortie
« … Q…Que… » je ne le regardais pas, je m’occupais d’inspecter les griffes de ma main gauche comme l’une de ces poufiasses blondes aux jupes trop courtes se faisant les ongles, tout en lui expliquant ce qu’il se passerait
« Ecoutez. Je vais me confier à vous, vous êtes un psy n’est-ce pas ? Et bien je vais vous raconter mon histoire, puis après, je vous tuerais. Vous comprenez, je n’aimerais pas que mon histoire ne se repende, je suis censé être mort… Et je ne souhaiterais pas que certaines personnes me retrouvent. » une goutte de sueur perla sur son front
« J…je… » j’eu un rictus amusé, sadique
« Chht… Je suis réglo, n’est-ce pas ? Je vous préviens. C’est toujours mieux que de ne pas vous prévenir. » il déglutit
« J…J’ai une femme et deux f… » je l’interrompis d’un signe de main
« Silence. Je vais vous ligoter les mains et les pieds au fauteuil. Et je vais m’asseoir sur ce sofa, et commencer à vous raconter mon histoire. Vous êtes libre de parler quand vous voulez, mais seulement pour me poser des questions. Vous êtes un psy, vous ne faites qu’écouter, hocher la tête et poser des questions dont vous n’écouterez pas la réponse. » Et je m'enquis de commencer à le ligoter pour aboutir à ce que je lui avais promis de faire. Je tiens toujours mes promesses.
***
Je suis né un 5 août, à la Nouvelle Orléans, dans l’appartement de ma mère, juste au dessus du bar que mon père australien possédait. Il y a trente années de cela. J’ai passé mon temps à pleurer. Je ne faisais que ça. Pleurer, pleurer, pleurer et encore chialer. Si j’avais été lucide, je me serais foutu une bonne baffe. Peut-être même pire. Comment ma mère à pu me supporter ? Aujourd’hui encore je ne le comprends pas. Vous qui avez des enfants, Monsieur, vous devriez être d’accord avec moi. Les gosses c’est épouvantable, de leur naissance à leur arrivée à l’âge adulte, et même après certains le sont encore…
J’ai passé mon enfance dans le plus grand des calmes, si l’on considère que la fuite de mon père lors de la deuxième grossesse de ma mère était un évènement calme : Il est parti, prenant sa petite valide, son veston, son chapeau et sa contrebasse. Me laissant, à trois ans, avec ma mère, qui était seule et enceinte de son deuxième enfant. Mis à part ça, tout allait bien : je m’occupais de ma jeune sœur dès que j’en fus capable, tandis que ma mère enchainait de nombreux boulots pour subvenir à nos besoins : femme de ménage, serveuse, quelque fois même elle faisait le tapin quand les fins de mois étaient difficiles… Et puis elle à rencontrée mon beau père, dix ans après la naissance de ma seconde sœur. Elle en tomba immédiatement enceinte –autant dire que la fertilité de ma mère se faisait à chaque rapport non protégé-, et neuf mois après j’assistai à la naissance de ma seconde sœur. Ma demi-sœur. Son ainée s’appelait Lucie, et elle Hayley. Et son lâche de père nous abandonna, plus d’un an après.
J’étais le seul homme de la maison, et à 15 ans je devais travailler pour aider ma mère et aller à l’école. Mais je devais le faire, pour aider ma mère, pour permettre à mes sœurs une belle vie. Je les aimais comme j’aimais ma mère, je les aimais d’un amour fraternel, familial, je les aimais et je les protégeais. Elles et ma mère étaient les femmes de ma vie.
J’ai donc continué à travailler, comme serveur, comme livreur de journaux, je faisais toutes sortes de petits boulots, travaillant le soir, pour l’école. Et puis il y a eu ce problème, ce problème avec Lucie… Elle a eu le sida. A seulement treize ans, ma petite sœur, ma petite sœur de treize ans… Elle aussi, voulait nous aider. Elle aussi, voulait gagner de l’argent. Et elle a fait le tapin, elle a fait la pute. Pas de chance pour elle, elle est tout de suite tombée sur un client séropositif. On s’en est aperçus quelques semaines après, elle nous avait caché son activité d’une nuit, et étant tombée malade peu après, elle avait décidée d’arrêter. Elle ne savait pas qu’elle avait une MST, elle pensait qu’elle avait simplement attrapé un truc qui passerait vite. Puis elle a finis par m’en parler. Un soir que je rentrais du collège et que je me préparais pour aller au bar d’en dessous. Je me souviens, mot pour mot, de ses paroles. Elle m’a dit de l’écouter, qu’elle était malade depuis une nuit, une nuit où elle avait essayée de nous aider, une nuit où elle avait perdu sa virginité. La claque est partie. Je n’ai pas pu l’arrêter. Elle a criée, elle a pleurée, elle portée sa main à sa joue, et je l’ai prise dans mes bras, alors qu’elle était en pleur. Nous avons attendus notre mère, et lui avons expliqués la situation. J’étais anéanti. J’allais perdre ma petite sœur, elle allait nous quitter, elle allait mourir, tout ce que vous voulez comme synonyme de cette putain de mort. C’est arrivé deux mois après. Nous n’avions rien pu faire, nous n’avions pas assez d’argent pour payer quelques soins, même s’ils étaient quand même pratiquement inexistants.
Mais nous avons continués à vivre. Sans Lucie, nous avons continués, la vie était dure, mais nous avons continués. Je travaillais de plus en plus, je ne voulais pas que la même chose arrive à Haylay. Je ne voulais pas qu’Haylay, ma petite sœur de trois ans, finisse par faire le trottoir comme Lucie pour subvenir à nos besoins et tombe sur un gars de la même trempe que celui qu’à croisé Lucie… Elle n’avait pas méritée ça, et Haylay ne le méritait pas non plus.
A l’âge de 17 ans, je rencontrai une fille. Une fille qui devins ma fiancée, trois ans plus tard. Je l’ai rencontrée au lycée, elle venait d’arriver, et moi j’étais toujours là. Elle ne connaissait personne, et moi je l’admirais secrètement. Et puis je me suis lancé, et nous avons commencés à parler, à devenir amis, à devenir proches, à s’aimer, à sortir ensembles. Elle était la première femme en dehors de ma mère et ma sœur que je n’ai jamais aimées. Je ne me souviens plus de ses traits, je ne me souviens des traits d’aucunes de ces trois femmes. Je me souviens juste de Lucie. C’est la seule que je n’ai pas cherché à chasser de ma mémoire. C’est la seule qui était morte, et que je ne pourrais jamais retrouver. Elle était brune, avait de grands et beaux yeux verts, un visage ovale, de longs cils noirs et des lèvres fines. Elle était grande mon son âge, avait déjà de belles formes, et faisait largement quelques années de plus.
Peu après ma remise de diplôme, je reçus une lettre : j’avais hérité d’une grande fortune, la fortune de mon père, la fortune qu’il avait faite après nous avoir lâchement abandonné. Il était devenue « connu » apparemment, dans un pays, devenus un artiste local. Et il m’avait noté, moi, Joshua Williams, son seul fils, comme héritier de sa fortune. Oui il était mort, et ça ne me faisait ni chaud ni froid. C’était mieux comme ça, et si l’autre salaupard, le père d’Haylay, pouvait en faire autant, j’en serais plus qu’heureux. Je donnai à ma mère et Haylay tout ce dont elles auraient besoin pour se construire une vie digne de ce nom. Loin de la Nouvelle Orléans, loin de cette enfance. Et nous sommes allés vivre dans le Colorado, accompagnés de Diana, ma fiancée.
J’emménageai avec Diana dans un appartement non loin de celui de ma mère et d’Haylay. Et c’est un an après que je la demandai en mariage. Nous n’avons jamais eu l’opportunité de faire ce mariage. Je suis toujours sensé être son fiancé, enfin, si je n’avais pas été annoncé comme mort. Deux ans après nos fiançailles, je m’engageai à l’armée. Je voulais le faire pour Lucie, pour ma mère et pour Haylay. J’avais pensé à Diana, mais je devais le faire. C’est donc comme ça que je fus soldat à l’armée Américaine…
Je suis parti à l’étranger. J’ai aussi décidé d’oublier cette partie de ma vie, cette partie où j’ai été entrainé à me battre, à utiliser des armes. Je ne veux pas me souvenir de l’endroit où je suis parti, je ne veux pas vous le dire. Vous en savez déjà beaucoup. Ma détermination fut récompensées, et je gravis très vite les rangs de l’armée jusqu’à devenir lieutenant six ans après.
Et puis il y a eu cette bataille. J’ai été touché. Par balle. Capturé. Séquestré avec d’autres soldats, morts ou presque morts. Nous sommes resté longtemps, agglutinés les uns sur les autres, ne pouvant pas bouger, empestant la maladie et les plaies infestées. J’étais le plus coriace, j’avais été touché à l’épaule et au thorax, de nombreuses côtes cassées, et une jambe cassée. Je me demande encore comment j’ai pu tenir. Et puis un jour, une nuit, la lune, la pleine lune. Je la scrutais, sous autant d’angles que je le pouvais. Je sentais ma fin approcher, j’agonisais, j’étais affamé, assoiffé, blessé et complètement fou. J’étais entouré du cadavre de mon équipe, des soldats. Des bêtes venaient ronger les cadavres déjà dépouillés par les corbeaux. Et moi, je restais là, à regarder la Lune. Je n’avais rien de mieux à foutre de toutes manières. Et soudain, une bête arriva sur moi, grognant, bavant, montrant les crocs. Une grosse bête, plus grosse que celles que j’avais déjà vues. C’était une sorte de loup, mais je n’avais jamais vu un loup de cette taille là, et des yeux de cette couleur là non plus. Ses yeux, ils étaient rouges-vifs. C’était ce jour là. Ce jour, où je suis devenu, devenu cette chose, devenu cette magnifique chose, aussi magnifique qu’inquiétante, qu’effrayante, que dangereuse. Je ne pu, et ne peux encore aujourd’hui, savoir si j’en ai été heureux, ou si j’en eu la nausée : j’étais en train de mourir. Il m’avait sauté dessus et m’avait mordu alors que je perdais connaissance. Je me réveillai au petit matin, sans plus aucune douleur : mes plaies étaient fermées et je n’avais plus aucune cicatrice.
Des jours après, je me retrouvais à la frontière Américaine pour la passer. J’avais de nouveaux papiers, une nouvelle identité. A mon réveil parmi ces cadavres, j’avais fuit, cherchant la ville la plus proche non atteinte par la guerre. A chaque balle, chaque blessures que je recevais, mon corp expulsait les objets les ayant provoqués et refermaient les plaies. J’ai appris arrivé à un village que j’étais devenu un loup-garou. Au début je n’y ai pas cru, puis ces gens m’ont prouvés, avec des tonnes de bouquins et même des preuves directes : des Loups-Garous eux-mêmes. J’ai eu appris que j’avais été porté disparu, puis déclaré comme mort en tant que Joshua Williams. Je n’avais plus aucune possibilité de revenir à mon ancienne vie, et toutes les informations nécessaires à un bon Loup-garou me furent apprises. C’est une fois mon « apprentissage » terminé, que je quittai le village où je m’étais installé pour ces quelques semaines pour aller dans une grande ville trouver des falsifier. J’avais besoin de papiers, et vite, car je devais me rendre dans une petite ville en Amérique. J’ai donc trouvé un falsifier qui m’a fait de nouveaux papiers. Il est mort peu avant mon départ de la ville : je l’avais tué. Par nécessité, mais aussi par plaisir, par envie. Je lui avais planté mes griffes dans la poitrine, réduisant son cœur en lambeaux.
***
« Et c’est là que je me retrouve devant vous. Je suis venu me confier, avant de partir pour cette ville. » L’homme à lunette me regardait, les yeux ronds, comme s’il n’en croyait pas ses oreilles
« J… Vous… » je rugis, me levant brusquement
« Voulez-vous bien finir vos phrases sans bégayer ?! » il s’exécuta terrifié
« Dans quelle ville vous rendez-vous, monsieur ? » je souris avant de répondre, me rasseyant
« Weird Falls. ». Je baissai la tête, laissant mes longs cheveux ternes cacher mon visage. Quelques secondes après, je me redressai, souriant à pleine dents. Ou a pleins crocs. Et je sautai sur le binoclard, griffes et crocs sortis, mes traits fins désormais devenus canins et… sauvages.