Quelle n’a pas été ma surprise en tombant nez à nez avec un grand chat beige. Je n’en avais jamais vu de ma vie – si ce n’était que dans les livres et les films – or j’ai su le reconnaître dès que j’ai senti son odeur et que nous nous sommes entraperçus. C’était un mélange de chat, de montagne et de forêt. C’est connu, les pumas ont toujours été l’un des ennemis les plus féroces d’un coyote, et même d’un loup. Dès qu’ils se voyaient, c’était le début d’un conflit. Et ce ne fut pas une exception pour nous, car dès que nous nous sommes détectés, le sang de nos ancêtres s’est mis à bouillir dans nos veines, et notre seul réflexe a été de se jeter l’un sur l’autre sans trop penser à ce que nous faisions, ou ce que nous allions faire. On s’est contenté de mordre et de griffer. À ce moment-là, ma nature de louve avait repris le dessus à cent-pour-cent et je n’arrivais plus à me contrôler. La question « d’où venait-il ? » ne traversa même pas mon esprit.

Ce ne fut que presque une demi-heure plus tard qu’on se sépara, voyant bien que ce combat menait à rien. Je voulais le renvoyer, mais je m’aperçus que j’étais pas mal en point. Je boitais, du sang coulait sur mon épaule, et ma vue commençait graduellement à s’embrumer. Il fallait que je m’en aille, sinon qui sait, il le détecterait sûrement et m’achèvera. Avec un grognement de colère et de souffrance, je lui fis volte-face et m’enfuis plus loin, et je l’entendis miauler triomphalement. Je serrai ma mâchoire. Je finis par ralentir. Avant de m’apercevoir que j’avais mal. Très mal. Je ne m’étais pas rendue compte, mais le couguar m’avait sacrément amochée, pas de doute. Mais j’étais trop occupée à lui rendre la même pour m’en apercevoir.

J’avais entendu parler, dernièrement, d’un certain chaman qui aidait les créatures comme moi lorsqu’elles avaient besoin d’être soignées. Il était impossible d’aller à l’hôpital sous forme de louve, ça, je le savais, alors mon salut était d’aller voir ce type, je m’en doutais. Je ne pouvais pas retourner chez moi dans cet état, ma famille péterait une crise, à coup sûr. Et je ne pouvais pas guérir toute seule, c’était une évidence. Il habitait Spinelli Street. Du moins à ce que j’avais entendu dire ; je savais même qu’il dirigeait un garage. Haletante, je me dirigeai vers le quartier en question, tant bien que mal, envoyant à mes pattes l’ordre de se rendre là-bas. J’espérais pouvoir trouver de l’aide. Quand je débouchai sur l’asphalte de la rue en question. Heureusement, c’était la nuit, et je passais facilement pour un gros chien noir aux yeux ambrés dans l’ombre. Du moins, j’espérais sincèrement.

Ce que j’espérais beaucoup plus, c’était que j’arrive à sa foutue demeure. Ou à son garage, parce que je savais juste où était son établissement. Peut-être vivait-il là aussi, j’en savais rien, c’était Vulcain qui me l’avait mentionné au hasard, au cas où, comme j’en avais l’habitude, je me foutrais dans les problèmes. Sympa. Oh purée, je ferais mieux d’arrêter de penser. Mes paupières devenaient lourdes, et je me sentais de plus en plus épuisée. J’avais sûrement perdu beaucoup de sang. Je n’avais jamais été dans un état aussi critique ; bah, je n’avais jamais croisé de gros félins, et tout ce que je pouvais dire, c’est que j’étais loin de les apprécier, maintenant. C’est sur cette pensée que ma vision devint noire, et que je m’effondrais, sur le bord de la route, perdant tout sens de la logique.