Alizée regarda autour d'elle. Il n'y avait que des enfants de son âge, environ 5 ans, qui jouaient dans la cour de récréation. Elle s'approcha d'un groupe de petites filles qui faisaient de la corde à sauter, mais elles ne voulurent pas jouer avec elle. Reculant de quelques pas, la nouvelle élève se renfrogna un peu mais ne se découragea pas. Elle fit ainsi le tour de deux trois groupes de fillettes, mais aucune ne voulait jouer avec elle. Pourtant on dit souvent que les enfants sont plus ouverts et qu'ils jouent très facilement avec les autres. Alizée se mit alors dans un coin de la cours et regarda les autres enfants jouer, scrutant attentivement leurs mouvements et essayant de comprendre ce qui la différenciait de tous ces enfants. Elle ne comprenait pas pourquoi personne ne voulait jouer avec elle. Peut être à cause de ses yeux de couleurs différente ? L'un était très vert et l'autre très bleu et cela pouvait perturber les gens. C'est alors qu'un ballon arriva assez rapidement sur elle. Sortant de ses pensées, la fillette l'attrapa entre ses mains et l'arrêta. Quand elle chercha du regard la personne qui avait bien pu perdre son ballon, elle aperçut un groupe de garçons qui la regardaient avec un air ahuri. L'un d'eux s'approcha alors et lui proposa de jouer au foot avec eux. C'est à cet instant qu'Alizée devint une fille qui n'avaient que des amis garçons, et qui était toujours le goal.
Quand elle rentra à la maison de son premier jour dans sa nouvelle école, Alizée ne trouva que ses trois grands frères qui jouaient sur leurs écrans, et sa grande soeur qui préparait le dîner. Comme d'habitude leurs parents n'étaient pas encore rentrés du boulot : leur père arrivait généralement vers 20h, et leur mère, personne ne savait réellement ce qu'elle faisait comme travail, mais son apparition à la maison se faisait vers 19h30. Alizée se dirigea vers sa chambre après que sa soeur lui ait donné son goûter. A la maison, personne ne s'intéressait à elle. Elle était la plus jeune, et son frère le plus proche avait 15 ans. La petite était née bien après tout le monde et ne suscitait pas d'affection de la part de ses parents. Ils se fichaient pas mal de leur dernière fille, se contenant de la nourrir et de l'envoyer à l'école. Alizée partageait sa chambre avec sa grande soeur Laura, qui était probablement ce qui se rapprochait le plus d'une mère pour elle, et encore, elle passait sa vie avec un garçon qui parfois venait dormir dans leur chambre et Alizée devait aller sur le canapé du salon. Ce n'était pas réellement une vie de rêve pour une petite fille.
Ai je dit que les parents d'Alizée ne s'occupaient pas d'elle ? Veuillez m'excuser je me suis trompée. Ils s'occupaient d'elle mais pas de la façon dont un père et une mère s'occupent de son enfant. Rapidement le père d'Alizée eut des problèmes au travail et sombra dans l'alcoolisme et une profonde dépression. Sa mère, fidèle à elle-même, n'avait toujours été qu'une coquille vide et n'aidait en rien la violence de son mari. Alors il se défoulait sur Alizée. Dès qu'elle eut 8 ans, la petite fille devint le souffre douleur de son père, qui n'hésitait pas à la fouetter sur le corps, dans le dos... Mais il ne l'atteignait jamais au visage, car en plus d'être un profond alcoolique, il était un homme d'une intelligence supérieure dans la violence, et il savait que l'on ne devait pas voir les marques sur le corps de sa fille.
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La jeunesse d'Alizée se passa donc de la sorte. Elle allait à l'école, restait toujours avec les garçons pour jouer au foot, rentrait chez elle seule et à pied, puis elle faisait ses devoirs dans la cuisine et dès qu'elle entendait la porte d'entrer claquer elle se ruait dans sa chambre en espérant que son père n'ouvrirait jamais la porte. Alizée passait ses soirées dans la chambre, n'osait pas venir dîner, et attendait que Laura vienne lui apporter un petit quelque chose pour ne pas qu'elle meure de faim. Bien sur il lui arrivait de se relever la nuit pour manger les restes, mais il fallait passer devant la chambre de ses parents, et c'était une opération risquée puisque sa mère ne dormait que d'une oreille. Une fois enfermée dans sa chambre, ce qu'elle espérait être son seul refuge, la petite brune finissait un livre et regardait un dessin animé sur l'ordinateur portable de sa soeur. Ses frères avaient en partie quitté la maison pour travailler ailleurs, et Alizée ne craignait qu'une chose, que Laura parte aussi. Cette dernière n'entretenait pas de relation amicale avec sa petite soeur, mais elle s'en fichait complètement et le plus important pour Alizée, elle n'était pas méchante.
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Alizée grandit à l'écart de Paris, et alla au lycée en province. Elle obtint son bac et décida de poursuivre ses études dans les langues étrangères. Elle fit donc une première année de licence en langue à Paris, puis, ayant atteint sa majorité, elle décida de fuir ce domicile où son père la battait et sa mère restait passive. Depuis quelques années elle était seule à la maison, et les violences familiales ne s'amenuisaient pas en grandissant. Elle avait moins mal certes, puisque son père tapait toujours aussi fort que lorsqu'elle était petite, mais que la résistance physique d'une fillette était devenue celle d'une sportive adolescente, mais elle souffrait tout de même. Alors le lendemain de ses dix huit ans elle s'envola pour l'Amérique. Elle avait vu avec son université qu'elle pouvait avoir un partenariat avec une petite université perdue en Amérique, dans la ville de Weird Falls. Alizée avait mis de l'argent de côté parce qu'elle faisait des petits boulots en France, et elle était heureuse de déménager. Elle s'installa dans un petit duplex pas trop loin de l'université. Les gens avaient l'air sympa dans cette ville, et bien qu'elle fasse son entrée au milieu de l'année, elle était persuadée qu'elle saurait rattraper son retard. Les cours de langue ne devaient pas être très compliqués et elle trouverait bien un club de foot français quelque part non ? Au pire elle se débrouillerai pour faire du sport autrement. Alizée se dit qu'elle n'avait pas le don de se faire des amis, mais qu'au moins ici personne ne la jugerait trop. Elle avait appris à cacher ses yeux vairons par une lentille de couleur et peut être que cela faciliterait déjà les premiers contacts.
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Cela fait désormais deux mois qu'Alizée est installée à Weird Falls. La vie américaine est différente que celle qu'elle a toujours connu mais c'est une jeune femme qui n'a pas froid aux yeux et n'a pas peur de l'inconnu. Très débrouillarde elle s'est déjà trouvé un petit job en plus de ses cours, et elle est désormais assistante du garagiste. Pour l'instant, celle qui se dit désormais orpheline, vit la vie qu'elle aurait toujours aimé avoir, et est heureuse. Elle ne discute pas énormément avec les gens, à cause de son caractère fermé, et ne divulgue pas la vérité sur son passé, mais elle s'entend très bien avec son patron qui lui n'a pas d'enfant et semble la considérer comme sa fille.