L'enfant a peur, l'enfant est triste. L'enfant est seul.
Ils sont passés où papa et maman ? Ils ont eu quoi ? Ils sont morts ou ils sont partis ? Ils ont pas eu le choix ou ils m'ont abandonné ? L'enfant est dans un orphelinat. Il a trois ans, et il essaye de se remémorer. La couleur des cheveux de sa mère, l'odeur de son père. Un sourire, la sensation d'un câlin, le souvenir d'une histoire avant de dormir, c'est déjà ça, mais c'est pas grand chose pour échapper aux cauchemars la nuit. Personne pour le réconforter. Mais il sourit quand même, parce qu'il est fait comme ça. L'enfant sourit toujours, l'enfant est de bonne humeur, parce que la tristesse ça aide personne. L'enfant s'appelle Maxence, et il change d'orphelinat.
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« Maxence, vient là !
-Pour quoi faire ?
-Il y a des visites aujourd'hui. Tu as pas envie d'être adopté, d'avoir un papa et une maman ?
-Papa et maman ils sont plus là, ils sont partis. Et les gens aiment pas, tu sais, je parle trop, moi ça me dérange pas mais eux si, et comme je veux pas faire semblant pour faire plaisir je vais pas rester ici, je vais aller dans un coin et comme ça je serai tranquille et je noierai personne, c'est mieux.
-J'ennuierai Maxence, pas je noierai, j'ennuierai. »
Il file sans attendre d'autorisation et sans vraiment écouter la réponse. De toute façon, ça ne changera rien. Il a Cinq dans les mains et il se colle dans un coin. Il est un peu fatigué de toute manière, alors il va dormir, juste un peu. Quand il se réveillera il manquera des enfants, mais lui il sera toujours là et il ira jouer avec les autres, comme d'habitude. Jusqu'à ce qu'ils lui annoncent qu'ils ont trouvé une famille d'accueil pour lui, parce que si il n'est pas adopté, c'est ce qu'il va lui arriver. Aller dans des foyers. Il a changé plusieurs fois d'orphelinat et toujours rien, alors ils vont le placer. Ils ont le droit, lui s'en fiche, un peu.
Quand il se réveille, Elle est là. Comme si c'était normal, comme si c'était et avait toujours été sa place, son but, son rôle de veiller à ses cotés. Il se réveille et la regarde. Curieuse innocence, innocente curiosité. Il n'a pas peur, non, pourquoi devrait-il ? Si il existe une personne dans son monde à qui il peut vouer une confiance aveugle, c'est bien elle, aucun doute à ce sujet. Il la regarde, admire un instant ses cheveux, qu'il décrète magnifique. Rien qu'à les voir, il est capable de jurer qu'ils sont plus doux que n'importe quoi d'autre, à part peut-être sa peluche. Il la regarde, et voit qu'elle se cache un peu, qu'elle a comme une carapace autour de son cœur. Il la regarde et voit la peine et la souffrance qu'il y a derrière. Il sent les larmes lui monter aux yeux. Pourquoi est-ce qu'elle souffre alors qu'elle est si gentille ? Il sait qu'elle est gentille, elle l'est forcément. Il lui touche la main tout doucement, et puis il lui sourit.
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Elle l'a adopté. Il a pas trop comprit pourquoi, mais il est heureux. Ce n'est pas logique qu'il aime déjà autant quelqu'un qu'il vient de rencontrer, mais c'est bien le cas. Il a prit ses affaires, Cinq, et il est partit avec elle. Il sait qu'elle est très jeune pour adopter, mais il s'en fiche. Il a confiance. En arrivant elle lui a dit un truc gentil, parce qu'elle est gentille.
« Alors, je m'appelle Thésée. Tu peux m'appeler comme ça, et c'est pas grave si tu m'appelles maman. Je suis pas ta vraie maman, faut pas que t'oublies ça, d'acc ? Sinon, je peux être ta grande-grande-soeur, c'est comme tu veux. T'aimes la mousse au chocolat ? »
Il a pas trop compris comment il devait l'appeler au final, mais tant pis. Il est content, parce que maintenant c'est sa Thésée à lui, et qu'en plus elle a de la mousse au chocolat.
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Il fait nuit et c'est la peine lune. Il aime pas trop ça, parce que Thésée est bizarre à la peine lune. Mais il pensait pas qu'elle se transformait. Il est surpris quand elle est devant lui, et qu'elle a l'air d'un animal. Il est surpris mais il n'a pas peur. Courage enfantin. C'est Thésée, elle est gentille Thésée. Elle ne fait pas mal Thésée, elle a toujours veillé pendant ces deux mois. Il tend la main vers elle, curieusement fasciné. Il ne sait pas trop ce qu'il attend, peut-être qu'il veut juste la toucher ? Et elle mord. Lui il s'évanouit, parce qu'il tient pas beaucoup la douleur. Quand il reprend conscience il est soigné, mais ça le lance dans le bras. Thésée est là. Elle s'en veut, ça se lit sur son visage. Pourquoi elle s'en veut ? Lui ne lui en veut pas. C'était pas vraiment elle ce soir-là, il le sait très bien. En plus il a raison, parce qu'après elle lui explique ce qu'elle est. Et ce que lui va sûrement être. Il n'a pas peur, il a même plutôt confiance. Si il est comme elle, elle ne pourra plus lui faire mal quand elle n'est plus elle, et elle n'aura plus de peine. Et ils pourront être heureux. Elle aussi, avec le garçon qu'elle regarde bizarrement et qui la regarde bizarrement aussi, d'un genre de regards que le petit a du mal à interpréter. Il a l'air gentil, et Thésée a l'air tout à fait d'accord avec Maxence.