Je refuse de le croire. Il est dingue, ce n’est pas possible autrement, mais alors, pourquoi je le suis ? J’enfile mes gants et me hâte de le rejoindre : il ne manquerait plus qu’à ce que je me perde dans cette forêt. La lune, haute dans le ciel, éclaire pourtant très bien certains fourrés. Mais plus on s’avance et plus la végétation se densifie. “Il y en a une sauvage, elle ne sait pas ce qu’elle est. Probablement victime de chasseur. C’est la loi de la nature.” Je hausse un sourcil en me disant que finalement, faire demi-tour est bien moins dangereux que de rester avec un fou. Je le laisse me distancer et il continue à parler seul. Preuve en est sur qui je suis tombée ! Je me mets à courir sitôt qu’il ne peut plus me voir. Je n’ai pas fait dix mètres que quelque chose me tombe dessus, je hurle, me débat, mais la… chose ? S’accroche à mon écharpe et manque de m’étrangler ! Je ne peux plus crier, juste essayer de repousser, un coup de mâchoire proche de mon oreille et la panique s’emparent de moi, et les papillons dans mes yeux… Un déchirement, l’écharpe cède et l’oxygène s’engouffre dans ma gorge jusqu'à mes poumons. Je revis ! Devant moi, une… fillette, un animal ? Je ne prends pas le risque de m’approcher plus pour vérifier et prenant un bout de bois que je trouve au sol, je mets de la distance entre… elle et moi. Je remarque que l’un des bras de l’être saigne abondamment, et aussi qu’il a l’air complètement paniqué.
- Ne l’effraie pas, elle est juste… Un peu perdue. Elle ne sait pas ce qu’il lui arrive. Tiens, utilise cela. Tu la jettes à ces pieds, elle s’endormira comme un chaton, murmure le prof qui apparaît de je ne sais où en me glissant une petite bille en verre dans la main.
- Ce n’est pas vraiment un petit chaton, si vous voyez ce que je veux dire, je lui réponds, cynique, mais sans jamais quitter la créature du regard.
- Peut-être, mais si tu attends… Dis-toi qu’elle n’a beau être qu’un enfant, elle pourra faire beaucoup de dégâts.
Je n’attends pas de vérifier et balance l’objet à ses pieds, et aussi, la fille-animal vacille et avance un pas vers nous, grondant comme un loup, pour tomber à genoux, sonnée.
- Vous n’êtes pas vraiment prof, c’est ça ? m’enquis-je alors qu’il porta l’enfant dans ses bras.
- Si, mais aussi chaman.
- Chaman ? Comme…
- Comme ce que je vous ai appris en cours et qui vous faisait parfois sourire, d'autrefois gagner des points pour votre diplôme. Dépêchons-nous de rentrer, il faut la soigner.
- Nous ? Je… Je ne sais pas faire et… ce n’est pas…
- Vous êtes douée quand il s’agit de soigner, d’aider, de réagir rapidement, enfin, si on omet ce soir, alors… Je vais vous apprendre.
- Quand vous parliez de mon plan de carrière…
- Oui, exactement, tu peux encore partir si tu le désires, mais tu en sais déjà trop pour ne pas chercher plus loin, je me trompe ?
- Non. On se dépêche vraiment ? Elle se vide de son sang, assènais-je simplement en ramassant le foulard et récupérant la créature pour qu’il puisse avoir les mains libres quand il faudrait… je ne sais pas, conduire par exemple ? Les hôpitaux acceptaient de soigner ces êtres ? J’en doutais… Pourtant, j’en suis sûre, ce n’est pas un simple animal… Enfin, sauf si je rêve ?