Il eut la sonnette annonçant la fin des cours. Cette foutue sonnette qui sonnait toujours trop fort et vrillait mes pauvres tympans de louve. Je grimaçai, ramassant mes feuilles éparpillées sur le bureau. Des devoirs, encore des devoirs. On dirait qu'on en a jamais assez. Même si c'est presque la fin d'année. J'avais hâte que l'été arrive, et à voir la fébrilité des autres élèves, je devinai que je n'étais pas la seule. Je finis par ramasser tout mon matériel, le fourrer dans mon sac, et marcher jusqu'à ma case, réfléchissant à ce que j'allais faire. Pour moi, cela avait été une journée plutôt ordinaire, banale et ennuyante, et il me vint l'envie folle de m'enfuir de ce lycée et courir dans la forêt, librement, sous ma forme animale. Mais c'était fuir mes responsabilités ; j'avais beaucoup de travaux à remettre dans les jours à suivre, je devais donc les avancer, je n'avais pas le choix. Et puis de toute manière, cela ne me tentait nullement pas de retourner à la maison. Depuis la mort de mon père, cela m'arrivait souvent, car ce n'était plus la même ambiance animée et joyeuse qui y régnait de son vivant. C'était maintenant quelque chose de plus tangible, de beaucoup moins joyeux, et surtout, avec beaucoup de tension... Et de conflits. J'en avais assez de voir mes frères débattre de tels ou tels sujets. Il fallait toujours qu'ils se crêpent le chignon. Et quand j'osai m'interposer, c'était ma mère, autoritaire, qui me disait de me taire, sous prétexte que je ne connaissais rien d'une "meute", que j'étais trop jeune. C'est ça ! J'ai bientôt dix-huit ans, merde ! Qu'elle me lâche les baskets ! Avec papa, elle n'aurait jamais réagi ainsi. Mais sans papa, elle est totalement différente, et ça m'en donne la nausée...

Nul doute, il fallait que j'aille à la bibliothèque. Tout de suite, si je voulais avoir le temps de m'avancer et retourner chez moi à une heure assez convenable, afin de ne pas avoir trois autres loups-garous sur le dos. Ils comprendront pour les devoirs, tant pis. Et peut-être qu'à la biblio, j'allais retrouver un camarade d'école qui voudrait bien m'aider ou discuter avec moi. Je m'emparai de mon sac, me dirigeant vers l'extérieur. Ce n'était pas si loin, mais tout ce que j'espérais, c'était de m'y rendre le plus vite possible et terminer ces devoirs pour de bon. Oui, moi, j'étais du genre à fuir certaines de mes responsabilités comme celles-là. Bon, ça ne mettait pas de vies en danger, alors pourquoi pas ? C'était mieux que Connor. En tout cas dans ma tête, et j'aurais pu confirmer que Vulcain pensait tout comme moi ; il n'y a pas mieux que notre frère aîné.

Rendue là-bas, je pris une inspiration et poussai les portes de la bibliothèque, comme s'il s'agissait du début d'un défi chronométré. Mais avant même que je puisse faire quelques pas plus loin, je m'arrêtai net. Je ne m'étais pas trompée, j'allais bel et bien croiser un camarade d'école, et cette fois-ci, c'était nul doute Alex. Je ne savais pas depuis combien de temps je le connaissais celui-là, je savais juste qu'il était garou tout comme moi - je l'avais appris en même temps que nous devenions amis. Ces trucs-là, ça ne se cache pas, on le détecte dès qu'on passe du temps avec la personne en question. Il semblait plonger dans ses devoirs lui aussi, mais je n'ai pas hésité une seconde à le rejoindre, parce que je connaissais bien monsieur, et je me doutais qu'il ne travaillât pas vraiment, ça se voyait à l'accent sur son visage. Je levai les yeux au ciel, amusée, avant de m'asseoir sur une chaise juste à côté de lui, déposant mon sac sur la table, en avant de moi. La bibliothèque de notre ville était certes un peu petite, mais les installations nécessaires n'y manquaient pas."Hellow. T'as de la chance, je viens te sauver. Enfin, à ce que me dis ton visage. Alors comme ça, toi aussi tu voulais faire tes devoirs ici ? Hmm, voulais c'est un grand mot. Moi-même ça ne me plaît pas vraiment." Je souris, quelque peu moqueuse, comme d'habitude. Le sarcasme, c'était mon état favori. Si cela pouvait être un état.