Cher journal,

Tu ne peux pas savoir à quel point les choses se compliquent, ces temps-ci. C’est comme si le destin s’acharnait sur moi. Et crois-moi, je ne parle pas juste de la rentrée. Bon, okay, j’avoue, beaucoup de truc sont reliés à cette rentrée de malheur. Ça ne va pas être facile, car comme tu le sais, j’ai dû sécher, l’an passé, les deux derniers mois, à cause de la mort de maman. Elle me manque tellement. Heureusement, il y a toujours papa, que j’admire plus que jamais. Tu devrais voir les efforts qu’il met pour nous donner une vie normale, exempt d’autres tragédies. Son boulot n’est déjà pas facile, alors j’essaye de l’aider du mieux que je peux, bien que la maison nous paraisse toujours aussi vide depuis le départ vers l’autre monde de maman. Il dit aussi que je suis très douée, que je n’aurais aucune misère à me rattraper en classe. C’est vrai que je suis douée en langue, mais j’ai bien peur pour mes mathématiques et mes sciences…

Et puis, il y a Nathaniel. Il m’a à peine soutenu ces temps-ci, et je doute de ses sentiments pour moi. Je ne sais même plus s’il est encore amoureux. La plupart du temps, il fait juste ça – je veux dire, le « jeu » de couple – parce que ça lui donne la populace et ça le rend encore plus de distance – et d’attirance, donc – envers les autres filles de l’école. Je suis comme un trophée, et je me demande bien pourquoi je reste à ces côtés. Peut-être parce qu’au fond de moi, je sais qu’il reste une partie de lui qu’il m’aime. Et aussi parce que je tiens à garder une certaine estime chez les gens. C’est malheureusement devenu dur comme ça, d’avoir l’air « correcte ». Alors je crois qu’on va continuer à faire le petit couple de tourtereaux tout amoureux… Je ne sais pas si cela m’enthousiasme ou pas. Mais tant pis.

Y’a pleins d’autres trucs, aussi. Je ne saurais tous les nommer. Il y a ces drôles de peintures que je fais sans m’en rendre compte – c’est comme si je perdais toute conscience en les faisant – et voilà que ça s’élargit lorsque j’écris ou que je dessine. Je n’ose pas le dire à papa, il va trop s’inquiéter. Ni aux autres, qui irait tout droit me dévoiler à la psy du lycée, ce qui ne me tente pas le moins du monde ! Alors je me réfugie auprès de Shelby, ma chère héroïne… Parce que tu sais, notre voiture nous as encore fait un mauvais coup. Notre belle Mustang 2010 a beau n’être pas très vieille, il n’empêche qu’elle a quelques défauts que mon père peine à arranger… je l’aime quand même.

Bon. Il suffit de jouer la comédie, comme avant. Bonjour, salut, ça va, qu’est-ce que t’as fait de ton été ? Oh c’est chouette ça. Non ne te désole pas, ça va, oui, c’est un triste accident, la mort de ma mère… Non je m’en suis bien remise, pas besoin de me le demander. Et toi, tu t’es achetée de nouvelles chaussures ? Elles sont absolument magnifiques, dis donc ! Tu les as achetés où ? Oh non moi je n’ai pas eu le temps de faire du shopping, tu vois, j’ai passé les derniers mois chez ma tante, à Twin Falls, à galoper à dos de cheval, en mode amérindienne sauvage. Bref qu’est-ce que j’ai manqué ? Millie s’est fait un copain ? Evan a un faible pour qui ? Et qui a eu un échec en anglais ? […] Bon sang, tous ces petits détails futiles qui ne m’intéressent pas toujours, à vrai dire. Mais c’est ça, la vie, faut faire avec.

Oh, tu m’excuseras, mon père m’appelle, en bas. Il veut que je prépare mes effets scolaires pour demain. J’espère retrouver mes amis. Et mon parcours écolier… Oh j’y pense, il va aussi falloir que je revienne travailler à la bibliothèque. Les vieilles dames n’attendent que mon dynamisme et mon énergie habituelle.

À plus !

Dena.