Une journée comme les autres, ou presque. Ma boutique n'avait eu de cesse que d'être envahie ces derniers temps. Il se passait quelque chose, et je le sentais. Pas besoin de mettre un mot dessus, lorsque tout mon corps me hurle son mal-être. La magie dans ces lieux diminuait. Et ça me fait peur. J’ai beau être neutre, qu’en sera-t-il lorsqu’on me demandera de faire un choix ? Qu’importe qui se présente chez moi, chasseur ou non, je me dois de l’aider. Mais là… On peut dire sans problème que la balle est dans leur camp, eux qui ne sont faibles que de constitution, pas de ce qu’il se passe à la cascade. Un bruit sourd me parvient du dehors, et je bougonne tout bas, un peu plus tôt, c’était des coups de fusils qu’on entendait depuis la forêt. Il ne fait pas bon de n’être pas sur deux jambes aujourd’hui…

J’allais rendre visite à mes protégés lorsqu’Abe se met en travers de mon chemin, manquant de me faire tomber, je me reprend vite en pestant contre lui lorsqu’il va gratter à la porte. Hors de question que tu sortes ce soir, pas envie que tu te fasses trouer la peau, songeais-je. Néanmoins, son comportement m’intrigue, surtout quand le matou se met à miauler fortement. Fronçant les sourcils, je le repousse et ouvre doucement la porte pour ne pas qu’il fuit. Et à la vue de ce qui se trouve juste devant, je n’ai pas besoin d’en faire plus que déjà il a prit sa queue entre les pattes. Pour ma part, je ne me laisse pas le temps de réfléchir et fonce vers le renard au sol. La renarde. Je m’en saisis du plus délicatement possible pour l'emmener dans la salle de consultation récemment aménagée. Avec une armoire scellée contenant le nécessaire pour ce genre de… “cas”. Je sent sur mes mains la chaleur écoeurante du sang, au cas où l’odeur ne m’a pas alertée. C’est assurée que je me met à l’examiner pour la soigner, sortant au passage plusieurs fioles et de quoi extraire les balles.

“On tient le coup ma belle, ne lâche pas l’affaire…”

Il ne me faut que peu de temps pour me rendre compte que ces dernières sont spéciales et que j’allais en chier pour stopper leur action néfaste. Heureuse aussi d’avoir enfin trouver de l’utilité à ma dernière décoction. Rien n’arrive sans raison m’avait appris mon mentor.
Trèfle rouge, usnée, cataire et pavot.

L’entendre geindre me serre le coeur mais je dois finir de la soigner. Je lui appose des plâtres au sortir des différentes blessures. Ca pour t’avoir cribler de balles ils ne t’ont pas louper je pense alors que je bande sa patte avec douceur. La douleur finira par s’estomper dès que les huiles essentielles auront neutralisé le poison. Je me prépare mentalement à prévoir plus de ce remède, mais place néanmoins mes mains sur son corps. Du haut de mon tabouret assis-debout je lui envoi un souffle revigorant, pompant sur mes propres réserves. mais elle a tellement été amochée que je ne veux prendre aucun risque. Personne ne doit mourir ce soir me souffle ma petite voix, sans que pour autant je ne la crois.

La voix de la renarde, agréable, me fait reprendre pied. Je retire mes mains, coeur battant fort et légèrement nauséeuse. Lorsqu’en plus de tout ça je vois ses larmes rouler, je me rappelle qu’à aucun moment je n’ai soigné un animal. Ou du moins pas un simple animal. Je pose ma main sur elle lentement, me retenant de la caresser pour la même raison qui fait qu’il ne s’agit pas que d’une renarde. Ses mots qui s’échappent, aussi fragile que des papillons, me font frissonner. Ayla ? Une autre blessée ? Comment se fait-il que… Je soupire doucement, il faut que je me reprenne, que je la calme, que je l’empêche de faire quoi que ce soit de dangereux, elle n’est certainement pas en état pour une vendetta !

“Qui est Ayla ?”

La quetion sort toute seule. Ce n’est pas ça que j’étais censé dire ! Je masse mes tempes, me relève et fait chercher une gamelle propre que je remplis d’eau avec un soupçon de camomille. Je lui apporte, elle en aurait besoin, au vu du sang qu’elle a perdu.

“Pour le moment, il faut laisser votre corps reprendre des forces, j’ai beau vous en avoir insuffler, vous n’arriverez à rien dans votre état, si ce n’est à vous mettre à nouveau en dangers. Mais y a-t-il quelqu’un à contacter ? Qui serait quoi faire ?”

N’y a-t-il aucun chérif dans cette ville ? hurle ma conscience.

J'observe la renarde et l'écoutais avec attention. Comment en sont-elles arrivées là ? Pourrais-je rester neutre longtemps à ce rythme là ? Je me demande comment elle s’appelle mais ne lui demande pas, pour le moment, je l’ai compris, la seule qui importe est Alya. Je me suis mise à la caresser machinalement, avec pour espoir de la rassurer. Je sens ses forces revenir progressivement et me demander si je pourrais l’aider à reprendre forme humaine. Car sous cette forme, elle ne serait d’aucun recours à sa fille. Je lui murmure, de manière à ce qu’elle soit la seule à l’entendre :

“Je ferais tout pour vous aider.”

Je recommence à fouiller dans mes placards à la recherche d’énergétiques. Je commence à piller quelques herbes quand un bruit à l’entrée me fait sursauter, aussitôt, je me place entre la renarde et la porte, maigre protection, certes, mais quand même une ! La personne ne semble pas m’attendre et avant même que je ne demande qui c'était je vois apparaître Amara, la jeune chamane de la forêt. Je fronce les sourcils puis me reprends, finissant l’énergétique d’un mouvement ferme du poignet.

“Bonsoir Amara, je ne sais pas, la saison de la chasse n’est pas pour maintenant pourtant… C’est un carnage.”

Je sais qu’elle ne connait pas tout sur la ville et ces habitants, mais je doute que ce soit le meilleur moment pour en parler. Je me trouve dans une impasse mais je n’ai pas le temps de réfléchir. Alya est en danger résonne la petite voix dans ma tête.

”Je prendrais le temps de t’expliquer plus tard, mais là, le temps presse. Il va falloir que tu m’aides à lui faire reprendre forme humaine.

Je lui tend une partie de l’énergétique qui forme maintenant comme une petite crème à l’allure verdâtre. Elle nous aiderait à converger la magie autour du corps de la renarde.